Le Manifeste des Manifestes

I

Je passe chez moi ce stigmate confessionnel d’avoir un goût immodéré du spectacle immoral. Peut-être y a-t-il à voir, là, le théâtre lointain d’une méditation au maintien du squelette de ma personne ?

C’est ainsi, ma haine n’a jamais manqué de manières à montrer combien je l’aime. Â ! Poussières ! Que j’aime vos mépris ! Jusqu’aux songes de Baudelaire qui haïssent le tragique et toute chose trop grande !

L’amour, excité par une factice réputation, attise ce besoin impérieux de décerner les coups de fouet, parce qu’en effet ils procurent le courage de l’amour en décomposition, dans une société en décomposition, unanime et morbide. Continuer la lecture de « Le Manifeste des Manifestes »

Formation de l’Univers

 

en Forme – dedans & non nié
de α à Ω – section 1 I vers L

 

 

PRÉAMBULE

Primitivement, dans ces Notes des siècles passés, à ce point ennuyeuses, j’interprétais plus ou moins bien les mots que je prenais dans la figure, au propre comme au figuré, voire ciselés puis enchâssés comme des émaux en certaines de mes augures. J’allais ployant sous l’ouvrage quand il fallait exprimer mes idées. Le sens propre des langues, au gré des projectiles ou alors, ce qui revient au même, au gré des trous que cela produisait quand je produisais des mots, ces sens se perdaient dans le style et dans leur chant. A prendre les mots au moyen de la troisième cataracte (en descendant le Nil ?), pour les yeux inhabiles, c’était, sans nul doute, faire sentir le mystère en écrivant, mais je n’en créais que l’existence potentielle, une forme vide, une bulle, l’ipséité d’un essieu qui ne roulait pas sur terre. Continuer la lecture de « Formation de l’Univers »

Un buis dans une noix

I

Mon digne chroniqueur à claque, Pierre, fer au poing, descendait chaque paysage. L’âge poursuivait Pierre, cent fois visité sous toutes ses faces.
Quand on a songé aux sapins sauvages et mémorables ! Ô ! Seigneur ! Ces géantes batailles de haches !
Et Pierre hochait ses gros yeux de ruines.
Aux us et coutumes de velours et d’argent, il se serait cru devenir un rat à la mode. Le digne chroniqueur allait donc là-bas le 3 juillet examiner ses propres yeux déterrés récemment.

Ses pas s’engrenaient aux heures. Continuer la lecture de « Un buis dans une noix »

On a dit que ne se lassent pas les secrets de mourir la nuit

I

On a dit que ne se lassent pas les secrets de mourir la nuit. Avec des spectres qui vacillent dans leurs yeux d’êtres désespérés à cause de leurs fardeaux sans décharge, ils sont malades ou revenants et emportent en ces heures électriques l’ardente convalescence des soirs d’automne, l’esprit arraché. Leur dépassement est un plaisir dans la peine. Leur calme se mêle aux voiles de la brume. Pleine à la tombée des minutes nocturnes, la rue les absorbe loin des réverbères.

On a dit, de l’abondance en toute chose, sa déroute qui somnole, dans le métro et, quand trop c’est trop, ces êtres glisseraient jusqu’au lit, vide, pour qu’ensuite, solennellement, la pénurie d’amour leur passât la main sur le visage, livide. Continuer la lecture de « On a dit que ne se lassent pas les secrets de mourir la nuit »

à quoi ça ressemble l’âme ?

cet après-midi pourpre hé !
viens à moi !
la foule nous bouscule et nous sommes allés boire
à quoi ça ressemble l’âme ? montre-moi sa carapace !
je lui montre
le flot des voitures
le jour un peu flou passé à la pierre ponce
et nos regards qui fouillent de-ci
de-là
les objets de leur raison d’être ?
feu rouge furieux changements de vitesse
je n’en sais rien
à quoi ça ressemble ?
plus léger que des poumons… peut-être
le doigt dans le nez
nos idées cahotent dans l’insolite
des bribes de petit bonheur qui refait surface Continuer la lecture de « à quoi ça ressemble l’âme ? »

Impressions amazones

Entre quatre murs, des notes indigo entrent au travers des vitres, celles d’un torrent de montagne ou d’un ciel d’herbes géantes qui coulent sous le vent du large comme naissant de l’éclat stellaire. Devant lui, le matin roulé dans une couverture, n’est pas encore commencé. A flanc du vide, il ressentait ces dizaines d’heures et ces milliers de kilomètres. La Vierge ronfle de plus en plus. Tourner pour passer l’abîme. Allumer la lampe à pétrole. Boire une bière ou bien un peu de feu cristallin. La Vierge maintenant est verte avec des petites fleurs. Elle part sans rien lui dire. Peut-être rêve-t-il ? Il sort. Le soleil écrase la forêt. Quand, soudainement, il vacille. Sa main se cramponne aux nuages et il tombe sur le visage. Sa tête s’arrête aux pieds. Et pêle-mêle son crâne chute sur un rocher, celui d’un pantin cassé sur la terre gluante. Une torche rouge jaillit de son occiput. Allait-il mourir ? « Tranquille !, se dit-il, l’hôpital ramassera tout dans la boîte. Ce sont les spécialistes pour ramasser la vaisselle. » Camion ou ambulance qui hurle sous les gyrophares. Le temps est tombé à côté de lui mais celui-ci n’a pas réussi à s’évanouir. Le temps n’en finit pas. Pourtant il le sent fondre comme une pomme dans un four. Continuer la lecture de « Impressions amazones »

Ubu et Salomé

Théâtre
pièce en un acte
d’après Salomé par Oscar Wilde

avec par ordre d’apparition :

plusieurs enveloppes d’ELLE
plusieurs groupes d’EUX
LUI
plusieurs enveloppes d’UBU
UN ÉTRANGER.
UN SECOND ÉTRANGER.
UN TROISIÈME ÉTRANGER.
UN QUATRIÈME ÉTRANGER.
UN CINQUIÈME ÉTRANGER.
UNE VOIX (d’outre-tombe).


ELLE. Est belle ce soir !
ELLE. Est morte !
ELLE. Est étrange !
ELLE. Va très lentement ! Continuer la lecture de « Ubu et Salomé »