à quoi ça ressemble l’âme ?

cet après-midi pourpre hé !
viens à moi !
la foule nous bouscule et nous sommes allés boire
à quoi ça ressemble l’âme ? montre-moi sa carapace !
je lui montre
le flot des voitures
le jour un peu flou passé à la pierre ponce
et nos regards qui fouillent de-ci
de-là
les objets de leur raison d’être ?
feu rouge furieux changements de vitesse
je n’en sais rien
à quoi ça ressemble ?
plus léger que des poumons… peut-être
le doigt dans le nez
nos idées cahotent dans l’insolite
des bribes de petit bonheur qui refait surface

j’en sais foutrement rien
j’en ai jamais vu
y parait que ça explose comme le soleil
les prêtres en parlent au séminaire
tellement c’est subtil l’âme et gentiment dégueulasse
c’est un signe vert dans un fauteuil à roulettes qui se précipite
vers la forêt
parait qu’elle mange des pommes et le bout des crayons
de temps en temps l’âme ricane
en furetant sur un violoncelle
tout ça n’explique rien ! si les blattes en ont une
Je finirai bien par comprendre pourquoi ça pleurniche
sur le qui-vive
un coup sur les oreilles

Il ajoute qu’il en tient une
et que si ça se voit pas c’est que ça se cache dans une cage en verre
même qu’il a payé la sienne très cher
douze cent euros
qui flottait derrière une vitrine
j’enrage
pour moi c’est pas une preuve
je cherche au fond de sa cervelle décidément je ne vois rien
les pensées tapies en son crâne m’ont posé un lapin
et puis à quoi ça sert ?
il me répond que c’est une question de principe
et que ça me serait vachement utile
c’est pas l’âme qui nuit gravement à ton salut
qu’il me dit
t’as qu’à sentir le vent

percevoir l’intime éclat d’une parole jetée en l’air
ah copain !
criait-il
tu débouches le vide ou quoi ?
et bien sache pour ta gloire qu’une âme
est meilleure à manger quand elle est crue
ou froide comme un apôtre
même que sa femme en a dévoré deux
dans le brouillard
ça me démangeait d’en savoir plus long
est-ce qu’il avait des factures?
si ça se glane à travers champs ou que ça traîne dans les greniers ?
et crac ! avec un manuel de science
il aplatit une mouche
l’impudente
qui ressemblait trop à sa sœur

y parait que les âmes rêvent de taper sur un piano
qu’est-ce que tu crois ? bien sûr !
c’est l’amie des courants d’air
alors tu penses la musique avec ses mélodies et les envolées d’opéra
ça leur fait la vie belle
c’est très favorable à leur éclosion
ah bon ! c’est comme les œufs ?
faut pas que ça tombe du lit sinon gare à l’omelette
je préfère pas en avoir une
je dis
des fois qu’elle se casse
avant que j’ai fini de payer les traites
des fois qu’à la banque
un sale type avec son nœud de cravate
l’étrangle
ou lui fasse des avances pour me la voler
à crédit

janvier 2005