Un blasphème inachevé

Les jeunes filles murmuraient et redressaient leurs sourires et retiraient comme une plaie de métal en fusion ces baisers du front de leurs amants au cœur encore rouge. Adieu bien-aimés, adieu ! Adieu, anges de nos seins, aises de nos caprices.

Mais, songeaient les belles jeunes filles, que les yeux des hommes brûlaient, ainsi qu’un foyer qui rendrait des étincelles, comme ces tiges de fer rouge qui traversèrent nos corps de part en part.

Il y a des belles filles avant la nuit… prêtes pour l’amour, prêtes à mouiller un mouchoir d’un blasphème inachevé.

Ô bien-aimés, nous sommes vivantes et mortes ! Promettez de mourir de nos mains, après cette nuit de délices et de souffrances. Promettez de vivre du sommeil de la mort.

Tandis qu’elles parlaient, se baignant dans ce caprice endormi, l’amour recommençait sauvage et semblable à l’orgie, et encore et encore, jusqu’à ce qu’apparurent les ors éparpillés sur l’herbe : le soleil, se levant, rougissait sur les cheveux soyeux de la plaine.

Boucles d’or des fiancés réconciliés ; car la nuit les rendaient belles et beaux et le soleil blondissait les blés.

Sur le sein de leurs amants, les belles filles demandaient leur pain. Eux, souriaient doucement, heureux d’avoir trouvé des maîtresse jeunes et belles qui, par cette nuit de plaisir, firent pâlir la lune et s’éclipser le soleil.

Ils eurent des lueurs étranges ces baisers ! Amants ! Des baisers ! Des baisers par millions pour qu’au fond des forêts encore hurla notre amour. Des baisers ! Puis, ces anges à deux visages, immobiles, sentirent la sève voluptueuse couler de leurs lèvres brûlantes.

Les jeune filles en livrant des baisers amassèrent l’or de leurs amants dans un songe qui languit d’amour et de sang.

Baisers au goût de cèdre, d’orange et de raisin. Baisers pastèques, saignant des commissures de ces Vénus, en désordre et décoiffées, qui ornaient nonchalamment l’aube de leurs corps, comme des demeures abandonnées, jusqu’à éblouir l’œil fade qui clignait sur l’horizon.

Aube, juste commencement, où se miraient les corps brisés et drapés de lierre. Comme des incendies, ils s’assoupissaient sans fin d’un grand feu à l’intérieur : le trésor de leurs nuits d’amour, sans prix. Leurs peaux s’illuminaient. En sourdaient les étincelles. Sur ces mets exquis s’étalait coquettement le vent avec la légèreté d’une dentelle.

On raconte que là-bas, en moissonnant l’orge ou le blé, la paille fut trouvée tissée comme un drap, juste à l’endroit où, naguère, s’embrassaient les amants.

février 2005