N’immaculez pas ma conception !

Voir l’essence de l’être pour voir sa perfection — qu’aucun filet ne saurait puiser —, voir l’essence en une globalité vivante, ne serait-ce point être manifestement gouverné par le mystère ?

La vision qui, à l’être, procure le miroir de sa réalité, ne lui manifeste-t-elle pas un plan de réflexion d’où est exclu tout ce qui ne pourrait se réfléchir hors de son axe de perception, du lieu de sa vision jusqu’au lieu de ce qu’il voit ? Continuer la lecture de « N’immaculez pas ma conception ! »

La loge Dada

La loge Dada remplit inlassablement sa besogne sur la page blanche.

Doués d’un génie sans yeux et sans voix mais qui voit et qui parle, certains fondateurs de Dada acquirent cette finesse de discernement au point infinitésimal. S’ils le furent pour s’immiscer au-delà des apparences, comme des prophètes, la loge Dada, aujourd’hui, agit dans le repos, abandonnée à la méditation des gestes.

Certains exégètes ont prêté une attention extrême à l’étude de Dada et contre la lumière assurent être témoins de sa résurrection. D’autres y voient le diable écrivant l’Évangile avec de grosses moufles. Naïfs ou déments, anthropoïdes de la critique ou traîtres à force d’analyse, ceux-là ne se soucient guère de l’immortalité de Dada. Continuer la lecture de « La loge Dada »

Nature morte aux escarboucles

Cette ville pour moi ? Un muet exil qui me persuadait des ans écoulés, invité qu’étais-je par l’ennui, obsédé par le train qui tombait avec la nuit. À travers la glace. Dans une représentation sans retour ni lendemain. À vrai dire, quelques immeubles beaux comme une caserne, un bistrot vide. Décembre en tenue secrète. Environ treize mille habitants soumis à la mystification insensée du sommeil, treize mille déshabillés, supprimés de l’éveil. Censure qui va de soi, agissant dans les esprits. Aberration de vie militaire ou collective sans nulle autre liberté qu’un détachement anonyme. Trop heureux ces gens qu’on ne les déportât pas dans le froid sec d’un garde-à-vous ! De long en large, le silence qui faisait son entrée en scène surveillait le repos des mouches au-dessus de la merde. Continuer la lecture de « Nature morte aux escarboucles »

Diderot II 3 – Premiers pas sur le néant

je ne sais en quel sens tous les corps gravitent dans les corps des géomètres
ni quel vaisseau renferme ma tendance au repos
je ne connais de l’essentiel qu’un inaltérable instant
un indivisible oubli dans l’indifférence
vers ma dissolution
car ma pensée
en elle-même
se détruit

par moi-même sans mouvement et sans vigueur
par moi-même inexistant
imaginé-je le repos hors du feu
de cette réalité qui n’existe point Continuer la lecture de « Diderot II 3 – Premiers pas sur le néant »

La saison des amours occitanes

« … qu’elle est vaine, la louange des nations ! qu’elle est futile, la trompette de la gloire. Il y avait d’âpres épines dans cette feuille et les lauriers, et leurs crochets dentelés entraient comme une brûlure, comme une morsure, jusqu’à ce que du feu et de la rouge flamme semblèrent se repaître de mon cerveau, et changèrent le jardin en un désert nu. »

Oscar Wilde, La Maison de la Courtisane.

I : FIANÇAILLES

Il y a un an,
ce me semble,
fleurs de mars
qui croassent,
petits nuages
qui bourgeonnent.
Ne dirait-on pas la lune
pendant les fiançailles
de toutes les fleurs
aux charmantes étoiles ?
Que de vierges bleues dans la rivière
et de linottes brunes ! Continuer la lecture de « La saison des amours occitanes »

Liés à la dérive

Oui ! Toute cette histoire est-elle vraie ? Ach mein Gott ! Rire silencieusement de cette Amérique d’assassins. De cette Amérique qui dévalise la paix. Vis-je encore ? Sans bouger le cou, je répétais une autre histoire. Comme quelqu’un dans un film, les yeux fermés, absorbé en lui-même qui se souviendrait des mots. Les essuie-glaces balayaient la poussière. Il faisait nuit. Ma mémoire traversait le désert des semaines sans rosée. Ces semaines à retenir ma respiration. Paupières baissées, je sentis l’haleine de Marlène chatouiller le dos de ma main. J’imaginais une grosse araignée dévorant un papillon ou bien le vent agitant l’herbe. L’air trop pesant était retombé sur les maisons. Pourrai-je cligner des yeux ou devrai-je rester immobile tel un buisson sec ? C’est toujours comme ça ! On voudrait être le dernier à mourir, à juger. J’aimerai allumer un cigare avec une longue allumette de cuisine. J’aimerai inventer des histoires vraies. J’aimerai accompagner la couleuvre dans les champs de maïs. J’aimerai regarder par la fenêtre. Mais le beurre a fondu et mon esprit est resté en arrière. Continuer la lecture de « Liés à la dérive »