Jouissance & Poésie

1. REPORT EN FORME D’ACCENT

La poésie cadre la transparence des mots. À l’intérieur du papier – le blanc comme matérialisation de la virginité (où tout est à prendre) m’indique un sens au cérémonial de l’écriture, relationnel – chaque lettre crève le silence, pousse un cri (la bouche) et à la détermination du contour (le regard) : frapper, trouer les rétines aux non-voyants, les perdre, les engloutir et les disséminer (hors d’eux) vers le vide par l’intermédiaire d’un sas – l’écriture (?).

2. RAPPORT DE SITUATION

À la limite de l’écrit et du lu (se crée) une friction de type chaotique entre une brutale conviction de granit (réalité du creux par le périmètre) et la sensation fluide d’un infini réductible jusqu’à la réalité. L’acte de l’homme n’étant d’élargir l’infini qu’en son nom, il appartient au poète d’exercer un mouvement de liaison, une charnière entre la réalité perceptible par tous et sa propre réalité intuitive (jouir et se cerner, où rien n’a de sens s’il n’a qu’un sens).

3. RAPPEL DE L’ENTRE-PARENTHÈSES

Ainsi comprendre le mot n’est pas lui coller une illusoire signification étymologique, historique, philosophique (voire). La poésie, ensemble de sensations suscitées hors du sens acquis ( le b a ba, l’abc), régit le mot parmi plusieurs espaces (le mouvement des probabilités provisoires, la mémoire (non soumise à l’adjectif, des communications médiumniques, dont le champ traque et circonférencie le temps), l’espace conceptuel des mécanismes (trajectoire, vitesse, accélérations – et autres mineures)) du même élan. Seul, un mot invoque toute la compréhension.

4. ALORS LA PAGE N’EST PAS UNE PLANCHE D’ÉTALONNAGE D’OÙ LES LOCUTIONS S’ÉTIRENT COMME DES LOCOMOTIVES. LES MOTS N’Y SONT PAS JUXTAPOSÉS MAIS PROMIS À DES RAPPORTS. LES MOTS OBÉISSENT DONC À UNE RAISON PURE. ILS NE SONT PAS LE VIDE QUE LA RAISON DÉMASQUE, NI LE BLANC QU’ELLE DÉLAISSE. LA JOUISSANCE – DU POÈTE – SERAIT LE MOUVEMENT D’ESPRIT QUI L’AGITE, ET LA SUBCONSCIENCE DE CE MOUVEMENT COMME ESPRIT.

L’(ab( (sens ?), ’acte d’é(vid)ence ) ), l’( ) hante le mot –moire de l’esprit, fossé du corps… Soustrait à la pensée, il s’engrène par intervalles aux autres et se rythme à eux. La page blanche y est cet intervalle sans frontière, ce signifiant incommensurable du désir : le dit. La page blanche n’est pas la verticalité de l’horizon, où le poète fixe sa pensée en mots (s’extasier, absenter le désir en lui-même). Le poète se doit d’y désintégrer les notions, de la pulvériser comme « concept intrinsèque à un certain carcan du mot ».
Mais la poésie – jouissance hélicoïtale, coït/onde épelée par les croûtes aquatiques, verso vers son envers/ce lent déversement – murmure plus qu’elle ne pose.
Le tableau noir de l’école serait-il la démobilisation poétique du genre humain ?

5. NOUS FIGURERIONS-NOUS QU’UN ÉCLAIRAGE ARROSANT UNE FENÊTRE SANS RIDEAUX, VOLETS OUVERTS ET DONNANT SUR LA NUIT, INONDERAIT CES TÉNÈBRES ?

Aspirez à la mort ! La jouissance qui évolue dans (la paroi intérieure (collée à))ce vide est à ce prix. Le poète s’enfle ainsi et s’emplit à la fois, sur le fil tendu du langage, près de sa mort et de lui. Sa jouissance serait cette seconde peau qui le masque et le fait apparaître comme les autres. Pantin manipulateur d’un théâtre de mots, il jaillit de sa force (comme redoublant de sens), il envahit tous les sens et s’en invente : une mise en scène toute circulatoire, une scénographie en d’infinis espaces imaginés.

1983